artistes exposant:

L'art et les artistes partagent avec le domaine des technologies industrielles cette valeur commune, qui est aussi une responsabilité, de la créativité. Si chacun poursuit des objectifs différents, il reste que les uns et les autres puisent leurs ressources créatives dans l'espace de l'imaginaire. C'est pourquoi l'exposition Passages 2 renouvelle, à Gland, avec l'entreprise kaba-Gilgen une expérience de partenariat-rencontre entre ces deux mondes de la création, expérience dont la première étape s'est déroulée à Meyrin en 1995, lors d'une exposition organisée dans le bâtiment de cette même firme.

Aujourd'hui Bernard Nicod SA met à la disposition des artistes quelque 1600 m2, non aménagés, vastes espaces à l'architecture épurée où l'homme n a pas encore laissé de traces visibles de ses activités industrielles. Ce territoire vierge, authentique lieu de liberté, a incité les treize artistes qui l'ont investi à imaginer et à traduire par la poétique spécifique de leur expression artistique: peinture, sculpture, tissage, écriture, une interaction entre espace fonctionnel et espace fictionnel. Les installations proposées témoignent de façon surprenante que ces deux types d'espace, loin de s'opposer, conjuguent au contraire leurs harmonies respectives.

Dans ce même esprit de complémentarité, Passages 2 se veut également une rencontre brève mais dense entre quelques tendances représentatives de l'art contemporain romand où l'expression figurative dialogue ouvertement avec la non-figuration, les signes graphiques avec les signes picturaux, la matière dure avec la molle, l'improvisé avec le programmé, le concept lisse avec la matière rugueuse. Jeu des contraires et des différences, des inégalités et assemblages contrastés, inattendus. Ces approches, aux sensibilités et médium différenciés à l'extrême, trouvent pourtant dans l'espace rationnel de béton et de verre qui les accueille un réceptacle libérant puissamment leurs formes et significations, tout en favorisant leur coexistence sur ce double terrain de l'art et de l'industrie devenu, à cette occasion, lieu de rassemblement, d'échange et de concertation, une agora passagère.

Jacky Gabriel

Le mouvement de la spirale entraîne dans ses évolutions et involutions une dynamique aux polarités opposée : ascensionnelle et plongeante, centripète et centrifuge. De cette figure fondamentale, Jacky Gabriel a créé un dispositif spatial où le ressort spiral évoque tour à tour les deux extrémités du devenir, les rythmes concentriques de la vie et l'esprit du jeu accompagnant la créativité. C'est pourquoi, à bien des égards, l'installation de l'artiste prend l'allure d'un terrain de jeux, lieu d'expérimentation fondamental à la construction identitaire de l'enfant et plus généralement de l'individu.

Dans l'espace transformé en carrousel, carnaval, pays des merveilles et de Cocagne, naît un sentiment d'allégresse, de vertige, de sinuosités baroques, propice à la confusion des sens, aux élans et tensions, telles ces mains tendues vers un ciel d'où surgissent de noires colonnes liquoreuses festivement enrubannées. Profitant de cet égarement, l'artiste nous invite à une relecture de quelques lieux communs de la communication artistique : clin d'œil au Michel-Ange de la Sixtine, aux colonnes torsadées et pâtissières du Bernin et à celles plus parodiques mais néanmoins minimales de Buren. Nouvelle lecture du Temps.

Françoise-Hélène Brou

PASSAGES 2

Grand Atrium - Gland