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PAPIERS DANS LA VILLE

(extraits)

Foule infinie : notre clan. Ce n'est pas dans la glace qu'il faut se considérer. Hommes, regardez-vous dans le papier.

Henri Michaux

 

 

Au sol, le papier vit ses derniers instants avant la mort ou le recyclage. Les auteurs ont participé à des tournées de ramassage dans la ville. Ils en livrent aujourd'hui photos et textes. Cet itinéraire urbain relit la ville entre chaos et poésie. Jacky Gabriel, attiré par le papier, signe les images de cet ouvrage. Les textes sont de la plume de Françoise - Hélène Brou, critique d'art. Papier dans la ville sera exposé du 7 au 20 avril 2000 à la Villa du Jardin Alpin, à Meyrin et du 3 décembre 2000 au 21 janvier 2001 à Charmey.

 

 

 

 

Pour toutes informations complémentaires: jackygabriel@fr.st


françoise-hélène brou

jacky gabriel

 

papier dans la ville

 

préface de patrick rudaz

 

 

musée du pays et val de charmey

 

Préface de Patrick Rudaz (extrait) 

Ma première rencontre avec Jacky Gabriel remonte à 1993 lors de la première Triennale internationale du papier au Musée du Pays et Val de Charmey. Son oeuvre : un cercle de terre et de papier. Retrouvailles en 1996, il participe à Charmey, à l'exposition papier éphémère et déjà le journal, la récupération, le recyclage. La Gruyère (tri-hebdomadaire local) collectionnée par sa mère, fribourgeoise de Genève, revenait au pays en colonnes noires et blanches, en un grand drapeau qui, hélas, n'a pas résisté bien longtemps à l'orage. Et en 1999, il est lauréat du troisième prix de la troisième Triennale internationale du papier. Son oeuvre Papier dans la ville capte l'ultime errance de ce témoin de nos grandes et petites histoires par l'image, la matière et le son, un triptyque des sens : la vue, l'ouïe et le toucher. Trois, ce chiffre semble ponctuer nos rencontres. Trois encore les événements de ce Papier dans la ville : après l'exposition de l'été 1999, cet ouvrage et bientôt deux expositions (à Genève et à Charmey).

 

Ma première rencontre avec Françoise-Hélène Brou remonte à 1995. Elle organisait, à Genève, une exposition d'artistes contemporains autour du passage. Elle régnait dans un cube de béton sur les oeuvres mutantes d'artistes qui exploraient un lexique et une grammaire formelle à la frontière du rite et du rituel. Prêtresse de ce passage, elle a ramené de ses années africaines, cette douce exubérance qu'elle narre en des textes triturés, malaxés comme recyclés. La pensée se reflète alors dans le papier en quête d'un quotidien autre, d'une perception nôtre. Elle a sciemment évité le piège du pléonasme et sa prose navigue entre l'organique et l'organisé, entre narration et poésie. Parfois une sentence, une réminiscence, une citation émaillent son propos, colorent son approche de ce petit brin de morale qui sied si bien aux Genevois.


MELANCOLIE METREE

 

 

Si la mélancolie se mesure,

A quel mètre se remettre ?

 Kilogramme, kilomètre, kelvin,

Joule, lux, watt,

Degré, seconde, litre,

Bel, bar, rem,

Croche, pied, yen ?

 Enfer des étalons !

clame le poète

Qui sonde sa bile noire

A l'aune de l'écriture

Et ne peut guère compter sa peine

Que sur l'aire d'une feuille.

 

 

 

 

 

Matrice exquise où l'âme

Pèse le poids de ses mots.

SOUFFLE

 

  

 

Le vent souffle du nord-est ce matin.

Légèrement blanchi par quelques vapeurs,

le ciel vire progressivement au bleu intense.

La vive brise aspire, avale et balaie

toute imprudente paperasse

qui se serait, bien légèrement,

aventurée en cette aire aérée.

Pour être vu, pour être lu,

Aujourd'hui, soyez

Densité, pesanteur, adhérence !

LIRE

 

 

 

Lecture de rue.

Fragments de mots,

Discours jetés en l'air,

Flottants, tremblants,

Dispersés, rassemblés,

Empilés, étalés, affichés,

Dans le grand bazar du lisible.

PAYSAGE I

 

 

 

 

 

 

 

 

Quand le jour se lève,

Naît le sentiment de la Terre 

Croûte ocreuse,

Mer solide, mer des solitudes

Où la parole épuisée

Retourne à la matière.

 

 

 

 

 

 

 

Oubli, sommeil, néant,

Avant le retour

Du laboureur des signes.

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